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Biodiversité et bâti
Biodiversité et bâti

Biodiversite

Biodiversité et bâti

Lentement mais sûrement ?

Le secteur du bâtiment a un impact majeur et reconnu sur la biodiversité...

Si pendant de nombreuses années les maîtres d’œuvres ne se souciaient guère de cette problématique, ils sont aujourd’hui forcés de s’en accommoder s’ils souhaitent satisfaire les villes et obtenir les labels et certifications très utiles à la vente de leurs programmes de construction. Constructions en structure bois, recours aux matériaux biosourcés, bâtiments à énergie positive, toits végétalisés, ruches urbaines, les édifices « verts » ont le vent en poupe ! Mouvement véritablement efficace ou simple effet de mode ?

Depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992, la conservation de la biodiversité est un objectif fort des États. Pourtant, celle-ci n’a jamais été aussi malmenée. En mai dernier, le groupe d'experts de l'ONU sur la biodiversité (Ipbes) a rendu un rapport alarmant : 75 % de l'environnement terrestre a été gravement altéré par les activités humaines et la dégradation de ces espaces a entrainé avec elle la chute de la biodiversité. Près d’un million d’espèces animales et végétales (sur 8 millions recensées sur Terre) sont menacées d’extinction à court ou moyen terme. Toujours selon l’Ipbes, la construction induite par l’urbanisation est l’une des principales causes de cette catastrophe. Construire, c’est « artificialiser » les sols, et par conséquent, réduire l’espace vital de la nature.
 Pendant longtemps, architectes et constructeurs considéraient que leurs réalisations devaient être protégées des animaux et des plantes. La nature a été réintégrée à partir de la Renaissance et ce mouvement s’est amplifié au XIX ème siècle. Mais les acteurs de la construction ont conservé une volonté de contrôle sur la faune et la flore et privilégié ce qu’ils considéraient comme plus esthétique, hygiénique et confortable en construisant des édifices aussi hermétiques que possible.
Même si cela est en partie toujours vrai, impossible aujourd’hui de ne pas prêter attention aux enjeux de la biodiversité. Elle est la condition de la poursuite d’une urbanisation vivable. La biodiversité rend de nombreux services à la Ville dont elle est une alliée puissante : amélioration de la qualité de l’air, protection de l’effet d’îlot de chaleur, préservation des sols vivants et perméables indispensables au cycle de l’eau, prévention des inondations… De surcroit, on assiste à une évolution des mentalités qui exprime un besoin croissant de contact avec la nature, celle-ci étant de plus en plus considérée comme une source de bien-être.

Concilier bâti et biodiversité, c’est possible !  
Les acteurs de la construction peuvent-ils s’adapter à cette nouvelle demande ? Concilier architecture et biodiversité ? En tout état de cause, certaines mesures peuvent être prise pour limiter l’impact causé sur la faune et la flore et tenter de mieux intégrer la nature dans leurs projets.
La conception des bâtiments peut être favorable à l’insertion des éléments naturels en s’appuyant sur les principes de la biochimie et du biomimétisme, en d’autres termes, en reproduisant un environnement semblable à celui présent avant la construction par le biais de refuges pour la faune et la flore telles que des abris, des nichoirs ou … des toits végétalisés.
Bien sûr, le choix des matériaux est également déterminant. Il faudrait privilégier ceux élaborés à partir d’éléments naturels recyclables comme le bois, la terre, la pierre. Dans tous les cas, il est important de réduire au maximum l’étalement urbain en privilégiant les édifices verticaux et même les constructions sur pilotis afin de diminuer l’emprise au sol. Selon la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) et le Conseil Architecture Urbanisme et Environnement (CAUE), « le surcoût engendré par ces aménagements qui favorisent la biodiversité ne dépasse pas 3% et à peine 10% lorsqu’on intègre des toitures végétalisées. »
Plus ambitieux encore, le terme de « constructions à biodiversité positives » a fait son apparition il y a quelques années. Cette notion récente considère que l’architecte peut non seulement intégrer la biodiversité dans le bâti, mais qu’il devra être capable d’en créer plus qu’il n’en consomme. C’est sur cette idée que s’est fondée la 15ème cible du label HQE, s’articulant autour des problématiques de biodiversité. Objectif : le remboursement de la « dette écologique ». Cette cible est encore expérimentale, elle n’est pas concrètement intégrée au label et semble difficile à atteindre, mais les architectes peuvent tenter de s’en approcher.

Des politiques publiques incitatives

Depuis 50 ans, de nouvelles approches d’intégration et de respect de l’environnement se dessinent. La nécessité de la protection de la biodiversité est à présent reconnue par tous. Pouvoirs publics comme acteurs du privé l’intègrent désormais dans la conception et la construction de leurs projets.

La loi de 2016 pour « la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » prévoit des mesures « compensatoires » qui permettent de déplacer ou de recréer ailleurs l’écosystème menacé par un chantier. Le Plan biodiversité, dont le contenu a été révélé par Nicolas Hulot, ancien ministre de la Transition écologique et solidaire en 2018 prévoit, lui, l’accompagnement des filières bâtiment et matériaux pour qu’elles « réduisent significativement leur empreinte biodiversité sur toute la chaîne de production et d’approvisionnement ». Plus récemment, par une décision du 4 mai 2018, le Conseil d’État a élargi, dans le code de l’urbanisme, l’obligation de joindre au dossier de demande de permis de construire une étude d’impact environnemental. Par ailleurs, la déclinaison des trames vertes et bleues dans le cadre des révisions du Plan local d’urbanisme (PLU) et du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) pousse les collectivités territoriales à intégrer la biodiversité dans les cahiers des charges des opérations d’aménagement. C’est donc d’abord le contexte réglementaire qui oblige les acteurs de la construction à intégrer la biodiversité dans leurs projets. Mais ces mesures restent pour l’heure incitatives. 
Les acteurs de la construction comprennent le bienfait du « vert »

L’offre des bâtiments prenant véritablement en compte les enjeux de la biodiversité est encore faible, mais que ce soit pour redorer leur image ou par conviction, la prise en compte environnementale au travers des politiques sectorielles du bâtiment n’a jamais été aussi forte. En juillet 2018, Bouygues Construction et Bouygues Immobilier, leaders dans leur secteur, se sont engagés dans la démarche Act4nature pour la protection de la biodiversité. Depuis quelques temps, tous les projets qui sortent de terre se vantent de leur prise en compte environnementale. Mais leurs programmes de construction sont-ils véritablement vertueux ? Une chose est sûre, il reste encore du travail ! Une toiture végétalisée et quelques ruches ne suffisent pas à préserver la biodiversité d’un site. L’immeuble Horizon conçu par l’architecte Jean Nouvel à Boulogne-Billancourt en est une bonne illustration. La structure accueille au dernier étage un paysage intérieur composé de petits arbres. Mais « ces derniers ne présentent aucun intérêt en matière de biodiversité et peuvent même représenter un risque pour les oiseaux qui, attirés, pourraient heurter les fenêtres » selon Véronique Dham, fondatrice de Biodiv’Corp et consultante au sein de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes).

« Pour accompagner cette préoccupation balbutiante dans le bâtiment, il faut renforcer la formation des architectes, ingénieurs et paysagistes, encourager l’expérimentation et partager les bonnes pratiques » selon Antoine Cadi, conseiller du président de la LPO.

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