Resilience
Les cultures constructives
Concilier résilience et construction
La notion de « cultures constructives » est l’idée selon laquelle la fabrique de la ville doit être basée sur les ressources et les spécificités locales pour introduire une certaine résilience au sein du gigantesque secteur de la construction. Ce concept doit encore faire ses preuves auprès des bâtisseurs et trouver écho dans la conscience publique s’il souhaite modifier le modèle actuel, uniforme et standardisé.
Ces dernières années, la multiplication des risques climatiques a souligné l’importance du principe de résilience dans le domaine de la construction. La notion de « cultures constructives » illustre cet enjeu : une fabrique de la ville adaptable et résistante aux possibles catastrophes écologiques et climatiques, crises économiques et sociales, et autres perturbations en tous genre.
Pour ce faire, le concept promeut l’utilisation de matériaux locaux qui, dans la majorité des cas, sont plus adaptés aux spécificités du territoire, et donc plus résistants aux aléas environnementaux qui pourraient surgir. De plus, construire avec les matières premières présentes sur place nécessite peu de transport et permet ainsi de réduire les coûts et l’impact écologique des chantiers. L’enjeu est également de travailler avec les techniques, les savoirs-faire et les moyens locaux, générant ainsi de l’économie et de l’emploi. Enfin, la notion de « cultures constructives » considère l’architecture comme émergeant du lieu et de la culture qui l’habite. Elle favorise alors la mise en valeur des caractéristiques spatiales, matérielles et culturelles d’un territoire et encourage, de ce fait, la diversité des constructions.
L’utilisation des ressources locales n’est en rien une nouvelle pratique, elle a toujours constitué une manière avantageuse de bâtir. Les civilisations égyptiennes, grecques et romaines ont construit avec les matériaux et la main d’œuvre locale pendant plusieurs siècles. Les habitats de nos ancêtres les Gaulois étaient eux aussi parfaitement adaptés aux lieux sur lesquels ils prenaient place car édifiés avec les moyens matériels et humains de leur territoire. Ils étaient, pour la plupart, construits en bois, matériau le plus facile à récolter, transporter, dresser et assembler.
Une construction standardisée
Dans la première moitié du siècle dernier, la mondialisation et l’industrialisation de certains procédés modifie radicalement la manière de construire. L’industrie du béton et de l’aciergagne du terrain grâce à une production simple, rapide et peu coûteuse et finit par détenir le monopole de la construction. Les considérations écologiques économiques et culturelles perdent peu à peu leur poids face aux chaînes globales du secteur.
L’utilisation massive du béton et de l’acier et des autres matériaux transformés entraîne divers problèmes. D’abord, son empreinte écologique est désastreuse : le béton est responsable de plus de 50% des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie du bâtiment. De plus, la vision moderniste d’une architecture « internationale » et standardisée est contestée. L’édification ne dépend plus du territoire et de la culture des hommes qui y habitent, elle est identique d’un bout à l’autre de la planète. Mais surtout, l’utilisation des matériaux modernes et en particulier du béton est contraire à la notion de résilience puisqu’ils sot peu résistants. Le concept des cultures constructives est en grande partie fondé sur la vulnérabilité des constructions face aux catastrophes environnementales. Il promeut l’adaptation des matériaux et des techniques utilisées dans l’habitat pour tenir compte de la spécificité de chaque territoire et pallier ainsi les risques présents. Or, l’histoire l’a démontré, en cas de catastrophe naturelle, les constructions traditionnelles solides résistent mieux et provoquent moins de pertes humaines que certaines constructions contemporaines. Sous la pression d’une urbanisation croissante et de la recherche systématique des solutions économiquement viables, le secteur du BTP intègre encore trop timidement des priorités garantissant au bâti sa durabilité et sa capacité à des initiatives respectueuses de l’environnement et capable d’anticiper les risques climatiques. La notion récente des garantie décennale des assureurs a fragilisé toute la chaine de production. Construire pour 10 ans ou moins est devenu chose courante, or nos villes doivent maintenant résister à des défis physiques incompatibles avec cette obsolescence programmée.
Une prise de conscience progressive
Depuis quelques années, on assiste néanmoins à une certaine prise de conscience des enjeux que représentent les cultures constructives. La pénurie des matériaux transformés, chers en devises et très énergivores ainsi que la contestation de plus en plus importante contre le transfert de technologies et l’occidentalisation culturelle ont imposé une reconsidération de l’emploi des ressources localement disponibles et des matériaux plus traditionnels comme la terre ou le bois. On constate un développement conséquent des recherches expérimentales sur les matériaux locaux ainsi qu’un nombre croissant d’opérations de réhabilitation de constructions traditionnelles. À titre d’exemple, en Haïti lors du séisme de 2010, les bâtiments construits en bois et autre matières premières locales sont les seules à ne pas s’être effondrées lors de la catastrophe. Elles ont alors été prises comme modèle lors du programme de reconstruction lancé par l’ONG Misereor. Ainsi, l’architecture haïtienne typique a repris sa place et remplacé les constructions en acier.
S’il semble urgent de construire en tenant compte de la notion de résilience, certains freins persistent. Les cultures constructives sont souvent dévalorisées par les populations, notamment les plus défavorisées, qui attachent une grande importance aux réalisations modernes, symbole selon eux de développement. Au-delà des populations, ce sont certains acteurs spécialisés dans le secteur qui perçoivent les matériaux non transformés et plus traditionnels comme moins résistants ou dépassés ; et ils manquent de données techniques pour rassurer les décideurs sur leurs performances. La recherche doit donc être poursuivie et la sensibilisation plus soutenuepour faire évoluer la notion de cultures constructives dans la conscience publique.
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