Biodiversite
ZOOS, un nouveau pacte avec la nature
Par Laurence Paoli
DE LA NÉCESSITÉ (OU NON) DES ZOOS
Par Laurence Paoli, auteur de « Zoos, un nouveau pacte avec la nature », (Ed. Buchet-Chastel)
Au nom du bien-être animal et de principes moraux condamnant la captivité, il est de bon ton actuellement de décrier les institutions zoologiques.
Les tenants de ce discours le justifient en égrenant une triste litanie : les animaux qu’on y trouve sont dénaturés, le bien-être animal y est régulièrement bafoué, les rares réintroductions menées à terme ne sont qu’un alibi, nos enfants ne peuvent rien apprendre de positif en regardant des bêtes sauvages enfermées, etc.
Je n’aime pas la captivité, que ce soit pour les êtres humains ou toute autre espèce sensible[1], mais réduire les zoos à la notion d’enfermement et, par ce biais, les accuser des pires dérives, me semble être un combat stérile, très éloigné de la réalité.
Il est certes tentant, pour leurs détracteurs, de toujours revenir aux parcs animaliers « d’avant ». Ces établissements célébrant la puissance de l’Homme sur la nature, puis ces collections dédiées aux tâtonnements des naturalistes ainsi qu’à la curiosité des foules, mais c’est faire preuve d’aveuglement que de condamner ceux d’aujourd’hui à l’aune de cette réputation passée. Les bons zoos, et c’est la majorité, jouent dorénavant un rôle essentiel dans la préservation d’une biodiversité de plus en plus menacée. Ils le font grâce à leur expertise aussi variée qu’exigeante : en élevant des espèces en danger, en menant des recherches vétérinaires et académiques, en organisant de nombreuses réintroductions, en finançant des projets de terrain et en éduquant leur public !
Un peu d’histoire ...
Dès 1932, conscients de la raréfaction dans la nature d’un grand nombre d’espèces animales, les parcs zoologiques commencent à dresser les livres généalogiques de certaines parmi celles qu’ils élèvent. Le bison d’Europe est le premier à bénéficier de cette attention, ce qui lui vaut d’être sauvé in extremis de l’extinction et réintroduit en 1952 en Pologne. Il est suivi par le cerf du Père David en 1957, puis, en 1959, par le cheval de Przewalski et l’okapi. Avec la création au début des années soixante-dix d’une base de données, baptisée Système de gestion des informations
zoologiques (ZIMS)[2], qui a pour objet de recenser tous les animaux captifs, quelques 130 stud-books internationaux et presque 200 européens sont constitués. En 1973, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) est adoptée : elle a pour but de protéger les plus fragiles de la surexploitation. Presque tous les zoos appartenant aux pays qui l’ont ratifiée adoptent alors une règle simple : plus de ponctions dans la nature d’animaux listés - ils y sont légalement obligés mais également plus de
prélèvements pour les autres espèces, en dehors de protocoles scientifiques ultra validés. Par exemple, le diable de Tasmanie, petit marsupial carnivore menacé d’extinction par la propagation fulgurante d’un cancer de la face transmis par morsure, bénéficie dès la fin des années 90 d’un élevage dans des parcs australiens, puis à partir de 2006, européens. Ainsi, des individus exempts de la maladie pourront un jour être réintroduits, dès lors que celle-ci sera sous contrôle.
C’est à partir de 1981, que les premiers programmes d’élevage voient le jour. D’abord aux États-Unis, ensuite en Europe, puis dans le reste du monde. Leur but : garder le maximum de variabilité génétique en organisant entre les parcs des échanges d’animaux, condition essentielle à un élevage réussi. Ces programmes ont aussi pour effet positif de supprimer la valeur marchande de ces derniers, puisque les transferts ne donnent lieu à aucune contrepartie financière.
Une philosophie de la conservation
Depuis toujours, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a conscience du potentiel et des limites des parcs zoologiques. C’est ainsi que, dès le début des années quatre-vingt, cette puissante organisation qui fait mondialement autorité pour tout ce qui touche à la protection de l’environnement, sollicite la communauté zoologique en matière de conservation. Il faut attendre treize années, pour que l’Association Mondiale des Zoos et Aquariums (WAZA) publie un document capital : The World Zoo Conservation Strategy: The Role of Zoos and Aquaria in Global Conservation[3]. Dans cette profession de foi, la communauté zoologique s’engage formellement à se consacrer à la lutte contre la disparition de la biodiversité via des missions de conservation, de recherche et de sensibilisation. La vision est posée et ses principes énoncés : les zoos s’inscrivent désormais dans une démarche globale de protection de la nature. Cela change beaucoup de choses : toutes leurs actions, y compris les plus humbles, doivent dorénavant servir un dessein qui dépasse, et de loin, des impératifs de fréquentation et de rentabilité. Entrée deux ans plus tôt au Muséum national d’Histoire naturelle pour prendre la fonction de chargée de communication de ses quatre parcs animaliers, je peux témoigner de la fébrilité fière et joyeuse qui anima alors l’ensemble de la communauté. Très vite ces missions sont reprises par les dirigeants politiques qui les transforment en obligations légales. En agissant de cette manière, ils reconnaissent explicitement l’utilité des zoos et des aquariums tout en s’assurant de les contrôler. En Europe c’est une directive du 29 mars 1999 qui organise les parcs animaliers, tant sur le plan matériel que sur celui de leurs missions. Elle est transposée en France par un arrêté du 25 mars 2004 modifiant celui 21 août 1978 dont, tout comme les cirques, ils dépendaient jusque-là. C’est ainsi qu’est consommée la scission réglementaire, mais également philosophique, entre l’univers du spectacle et celui de la conservation.
Aider la nature...
Nous entrons dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, caractérisée par des mutations environnementales majeures dues en grande partie à l’influence de l’Homme. En raison de la rapidité avec laquelle les espèces disparaissent, une sixième extinction de masse est évoquée. Le rapport de l’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, publié en mai dernier, estime que depuis 1900 l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 %. Cinq-cents mille espèces terrestres sur les 5,9 millions estimées[4], ne pourront pas survivre dans leurs habitats respectifs si ceux-ci ne sont pas rapidement restaurés. Devant ce constat alarmant, l’une des réponses est bien sûr, de chercher à préserver les écosystèmes. Une autre solution consiste à protéger coûte que coûte les espèces menacées, y compris, si cela s’avère nécessaire, hors de de leurs habitats naturels.
Par exemple, on trouve encore le rhinocéros noir[5], cet impétueux herbivore africain, en Afrique de l’Est et du Sud. Bien que protégé par la CITES depuis 1977 (Annexe I) et classé comme « En danger critique » par l’UICN sur sa Liste Rouge[6], il est braconné, à l’instar des autres espèces de rhinocéros, pour les prétendues vertus curatives de sa corne. Comme tous les grands mammifères terrestres, il est aussi victime de l’anthropisation des milieux et des conflits. Malgré les mesures de protection internationales, nationales et locales qui ont jusqu’ici réussi à sauver l’espèce de l’extinction, seuls 5 000 individus subsistent actuellement dans une nature à très hauts risques. Soit une diminution de 90,6 % de sa population depuis 1960, l’année 1995 ayant marqué la baisse la plus dramatique, avec alors un reliquat de seulement 2 410 individus.
Ombrageux, nerveux et, de surcroît, peu fertile, le rhinocéros noir, contrairement à son placide cousin blanc, est difficile à élever en captivité. Il demande beaucoup d’attention et oblige pour son bien-être et sa reproduction à des recherches et des aménagements coûteux en temps, en efforts et en argent. Pourtant, très tôt, les zoos s’intéressent à cet animal. Et, s’ils le font, c’est à des fins de conservation, car si le public est heureux de voir un rhinocéros, il ne fait pas toujours une grande différence entre un noir et un blanc. L’espèce, représentée en captivité par 184 individus qui vivent dans 65 parcs[7], fait donc l’objet de programmes d’élevages. Grâce à cela, en juin dernier, cinq rhinocéros noirs appartenant à la sous-espèce d’Afrique de l’Est, provenant de trois zoos européens[8], se sont envolés pour le Rwanda d’où cet emblématique mammifère a disparu il y a douze ans.
Cette réintroduction, qui a demandé trois années de préparation, a été organisée sous la houlette de l’Association Européenne des Zoos et Aquariums (EAZA) et tout particulièrement du zoo de Chester, coordinateur du Programme d’Élevage Européen de l’espèce. Elle a eu lieu avec la collaboration du Rwanda Development Board et celle de l’ONG African Parks, gage essentiel de sécurité sur le terrain.
Chercher davantage et le faire savoir
Lorsque l’on parle de « Recherche » dans les parcs animaliers, on pense tout de suite à la recherche vétérinaire. De fait, pratiquement toute cette science appliquée dans la nature a été conçue grâce aux soins apportés aux animaux captifs : quels sont les médicaments à utiliser pour guérir la lésion cutanée d’un boa ? Comment calcule-t-on les dosages d’antibiotique à administrer à un tamarin pinché de 500 gr ou à un gorille de 250 kg ? Quel est le protocole pour anesthésier un requin tigre ? Comment soigner la canine infectée d’un lion ? Si, sur le terrain, il y a rarement une seconde chance, tant pour l’animal que pour le vétérinaire, dans les zoos, univers ultra sécurisé, on a un peu plus de temps et de moyens pour trouver le traitement adéquat, d’autant plus que les informations sont partagées au travers d’associations et de réseaux professionnels.
Cependant, il existe une recherche plus académique qui couvre de multiples champs : alimentation, adaptation des animaux à leur environnement, relations entre espèces, intelligence animale, etc. Très encadrée, elle a pour but de compléter la politique de conservation des parcs animaliers. Malheureusement en France, à l’exception des établissements du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et de quelques parcs privés qui se comptent sur les doigts d’une main, cette recherche universitaire, pourtant capitale, n’est pas assez développée. En effet, si les parcs et aquariums français participent à bon nombre d’études en fournissant échantillons, prélèvements et informations, ils les diligentent rarement eux-mêmes. La faute en est à l’absence d’enseignants-chercheurs dans les équipes, contrairement aux pays anglo-saxons, aux États-Unis ou aux pays du Nord qui comptent de nombreux PhD et où des instituts de recherche sont parfois implantés dans les zoos. Entre 1998 et 2018, pour témoigner de ce travail, l’ensemble des adhérents de l’EAZA a publié 3 345 articles scientifiques dans des magazines de qualité (peer-review), c’est bien, mais ça n’est encore pas suffisant. Pour la période 1993/2013, l’Association Américaine des Zoos et Aquariums (AZA) a comptabilisé 5 175 publications. Cet exercice, la recherche, puis, la publication des résultats obtenus, est essentiel pour diffuser et mutualiser l’immense savoir scientifique de la
communauté zoologique.
Bien-être animal
Garder des bêtes sauvages en captivité, implique un devoir moral : celui de leur procurer les meilleures conditions de vie possibles, même si la cause défendue va au-delà de chaque individu. On parle là de bien-être animal, une notion prise très au sérieux par la communauté zoologique. Outre le fait que soigneurs et vétérinaires s’en préoccupent quotidiennement, un grand nombre d’études, de réunions, de publications y sont actuellement consacrées.
L’aménagement des enclos entre dans ce panel d’outils déployés pour assurer le maximum de bien-être aux animaux. Architectes et paysagistes sont de plus en plus sollicités pour imaginer des espaces de vie qui doivent, certes, séduire les visiteurs, mais dans lesquels avant toute chose, chaque animal peut s’épanouir et exprimer ses comportements naturels.
Ces spécialistes, qui allient passion du vivant à des compétences techniques peu courantes, s‘appuient de surcroît sur l’ensemble des informations scientifiques connues[9] pour chacune des espèces concernées. Les enclos, volières ou bassins sont spacieux, végétalisés, diversifiés (substrats, agrès, choix des matériaux, etc.) et ils abritent bien souvent des espèces différentes qui occupent de manière complémentaire un écosystème : cigognes d’Abdim, hérons goliath, ombrettes africaines, okapis et cercopithèques de Hamlyn cohabitent au Bioparc de Doué-la-Fontaine ; girafes, grands koudous, autruches, marabouts, grues demoiselles de Numidie et grues couronnées au Parc zoologique de Paris ; bisons d’Amérique, loups arctiques et ours baribal au ZooSafari de Thoiry ; pandas roux, cerfs muntjacs et loutres naines au Parc zoologique et botanique de Mulhouse, … Les échanges qui se créent assurent ainsi des enrichissements interactionnels et interspécifiques profitables aux animaux, comme d’ailleurs au public que ce spectacle passionne.
Créer des liens utiles
Au sein de l’UICN, il existe une commission, la Species Survival Commission qui est dédiée à la sauvegarde des espèces. Elle abrite 131 groupes spécialisés dans des domaines aussi variés que les félins, les primates, les cétacés, les girafes et les okapis, les conflits hommes/animaux, le changement climatique, les mollusques, les papillons, les tortues marines, les sauterelles, les antilopes, les poissons d’eau douce, ... et accueille, parmi ses 6 500 experts, bon nombre de représentants des zoos devenus des référents incontournables dans un domaine ou un autre. Grâce à ces groupes et aux liens qui s’y créent, de nombreux projets de conservation sont menés à travers le monde, comme ceux du tamarin lion, du tapir et du tatou géant au Brésil, du rhinocéros blanc en Afrique du Sud, de l’étourneau à tête noire à Java, de la grenouille tomate à Madagascar, de la panthère de Perse en Russie, …. Pourtant, il semblerait qu’une majorité des acteurs de la conservation, bien que friands des aides financières apportées par des zoos ou des aquariums, aient encore scrupule à s’associer avec eux. L’image de la captivité, qui plane toujours en arrière-plan, les empêche probablement de solliciter l’expertise de ces institutions autant qu’ils le devraient. Les parcs animaliers ne sont pas non plus étrangers à ce manque patent de collaboration, puisque pour garder leur indépendance dans le choix des projets qu’ils soutiennent ainsi que dans la manière de procéder, ils rechignent bien souvent à aller chercher des avis scientifiques extérieurs. Pourtant, en l’état actuel de la nature et des menaces qui pèsent sur elle, cette complémentarité des savoirs ne peut plus être négligée, l’UICN ne s’y est d’ailleurs encore une fois pas trompée !
En 2010, lors de la conférence mondiale sur la biodiversité qui se tient à Nagoya au Japon dans la préfecture d’Aïchi, la Convention sur la diversité biologique des Nations unies est complétée par cinq buts et vingt objectifs. Le douzième énonçant le vœu pieux que les espèces menacées cessent de l’être. L’UICN demande alors instamment aux parcs animaliers, aux chercheurs et aux conservateurs de terrain de passer par-dessus leurs a priori respectifs et d’initier systématiquement des collaborations transversales. Pour ce faire, l’association internationale met en place un outil : le One Plan Approach (OPA) afin de soutenir « une approche intégrée de la planification de la conservation des espèces par le biais de l’élaboration conjointe de stratégies de gestion et d’actions de conservation par toutes les parties responsables ».
Cette politique du One Plan Approach, malgré son nom peu romantique, décrit la seule alternative viable : chaque partie doit amener son expertise, ses financements, ses outils au service de toute espèce qui en a besoin, en dépassant les clivages et les antagonismes des uns et des autres. La panthère de l’Amour, la grenouille poulet, la raie pastenague à points bleus, le criquet rhodanien, l’ours à lunettes, doivent dorénavant bénéficier des savoirs et des moyens de ceux qui, sur le terrain, ont une vision globale des menaces, des buts et des opportunités à saisir et de ceux qui, dans les zoos et les aquariums, peuvent apporter des financements, mener des recherches et fournir un soutien génétique aux populations animales sauvages.
Progresser ensemble
Pour plus de 98 % des espèces connues de mammifères, d’oiseaux, de reptiles et d’amphibiens, les chercheurs manquaient jusqu’ici cruellement de certains types d’informations dans les données internationales. Par exemple, pour déterminer quelles espèces risquent d’être en danger dans un futur proche et organiser le renforcement des populations de celles qui sont déjà menacées, il est nécessaire de connaître l’âge de la maturité sexuelle des mâles et des femelles, le pourcentage de survie des petits ainsi que l’espérance de vie des adultes.
Afin de répondre à ces questions, récemment, une équipe pluridisciplinaire[10] a mis au point un « Indice de connaissance des espèces » (SKI) qui classifie les informations démographiques disponibles pour 32 144 mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens connus. SKI, va permettre d’estimer quels types d’événements influencent la viabilité des populations. Pour arriver à ce résultat, la grande nouveauté, c’est que ZIMS a été ajouté aux sources d’informations habituelles. Cette base de données, alimentée par 1 000 zoos et aquariums répartis dans 97 pays, regroupe 10 millions d’animaux appartenant à 22 000 espèces. Cette intégration a permis d’obtenir des renseignements concernant les taux de fertilité et de survie des différentes espèces concernées et d’en tirer des enseignements capitaux qui, dans le futur, influenceront les décisions à prendre afin de les préserver. Il s’agit là, d’un exemple parfait d’OPA.
Se reconnecter avec la nature
Sept-cents millions de personnes se promènent chaque année dans les allées des zoos et des aquariums, soit 10 % de la population mondiale, c’est énorme ! Il faut dire que 55 % de cette population vit en milieu urbain ; en Europe ce chiffre frôle même les 75 %. Appartenant à toutes les classes sociales et à presque toutes les générations, ces visiteurs viennent pour passer un moment heureux, souvent en famille, en s’émerveillant du spectacle du vivant. De nombreuses études prouvent d’ailleurs que le public des parcs animaliers s’y ressource et s’y reconnecte avec la nature. Lors de la conférence annuelle de l’EAZA au mois de septembre dernier, le responsable pédagogique du Whitley Wildlife Conservation Trust[11] (UK) pointait du doigt l’émotion fondamentale ressentie devant les animaux et … la manière souvent trop aride dont sont diffusées les informations scientifiques les concernant. En transformant l’expérience émotionnelle vécue par les visiteurs en une sèche leçon scientifique, la promenade, au lieu d’être inspirante, peut vite devenir ennuyeuse, ce qui est totalement contre-productif en termes de pédagogie mais également de conservation. Pourquoi procède-t-on ainsi ? L’une des réponses, est probablement, qu’attaqués sans répit, les zoos n’ont de cesse de prouver qu’ils s’inscrivent dans une démarche scientifique, ce qui est la réalité. Or, s’ils doivent offrir des informations sur les animaux - la connaissance et l’éducation font partie de leurs missions officielles - il faut peut-être réfléchir à le faire différemment. En France, bien que certains zoos privés proposent des ateliers et des visites guidées sur mesure - généralement très populaires - ce sont les parcs publics qui offrent les expériences pédagogiques les plus abouties : d’une part leur mission éducative est une mission de service public, d’autre part, ils travaillent avec les rectorats de leurs régions. Ils ont donc davantage le loisir de réfléchir très en amont et de façon collégiale, aux messages à diffuser et à la manière joyeuse, surprenante, intéressante, marquante - en un mot, pertinente - de choisir ceux qui peuvent changer la perception qu’ont les enfants de la nature et des animaux. Malheureusement, cela ne concerne le plus souvent que les scolaires ou les groupes, le grand public étant « condamné » à la seule lecture des panneaux d’informations. Ce qui est bien dommage !
Nos voisins anglo-saxons ainsi que les américains sont plus en avance que nous sur ce sujet. Aux États-Unis par exemple 164 000 volontaires offrent chaque année 7,6 millions d’heures aux établissements zoologiques, dont une bonne partie est consacrée à l’accueil du public et à son information scientifique. Il est prouvé que cette réception sur mesure change toute la perspective de la visite et, de surcroît, laisse des souvenirs durables en faveur de la conservation chez la majorité des visiteurs.
Et maintenant …
Quand il s’agit du vivant, toute dérive, aussi petite soit-elle, est signifiante et peut entraîner un changement insidieux de paradigme. C’est pourquoi les différents niveaux de contrôle mis en place pour surveiller les zoos, et en particulier la façon dont ils traitent leurs animaux, sont nécessaires, qu’ils soient corporatistes, associatifs, législatifs et sociétaux. Faut-il encore qu’ils ne servent pas une pensée empreinte de défiance et d’a priori négatifs. Il est indéniable que, sous nos latitudes et ailleurs, il reste à la communauté zoologique des progrès à faire ! Cela dit, elle reste unique en son genre dans l’univers des défenseurs de la nature car, outre le panel étonnant de ses expertises et son implication financière, elle ne craint pas d’avancer au prix de remises en question incessantes.
C’est pourquoi, plutôt que de stigmatiser ses membres, de les écraser sous des procédures de plus en plus complexes, de les montrer du doigt, de nier même leur participation à des actions réussies, il serait plus juste et surtout, plus efficace pour la cause de la préservation de la nature, de les encourager, de les mobiliser, de les pousser à se dépasser et à jouer un rôle encore plus décisif dans ce combat majeur.
Finalement, la seule question qui garde du sens, quant à l’existence des parcs animaliers, est éthique ou philosophique : peut-on moralement accepter la notion de captivité au nom du pragmatisme ? En l’état actuel de dégradation de la biodiversité, je répondrais oui. Cependant, je ne peux m’empêcher de me demander si, un jour, les humains seront suffisamment raisonnables et la nature assez résiliente pour que les zoos n’aient plus de raison d’être.
[1] On parle actuellement « d’animal sentience », qui désigne la capacité qu’ont les animaux à éprouver subjectivement, à ressentir diverses émotions.
[2] Il s’agit d’un logiciel géré par une association, Species 360.
[3] Publiée en 1993. Remaniée en 2005 et rebaptisée : The World Zoo and Aquarium Conservation Strategy: Building a Future for Wildlife.
[4] Actuellement, le nombre total estimé des espèces animales et végétales de notre planète est d’environ 8 millions.
[5] Le rhinocéros noir (Diceros bicornis) est l’une des cinq espèces de rhinocéros encore en vie. Il comprend trois sous-espèces. Une quatrième, le rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest, a été déclarée éteinte en 2011.
[6] La Liste Rouge de l’UICN publiée chaque année repartit en neuf catégories les espèces dont la raréfaction exige une surveillance. Trois d’entre elles - « En danger critique », « En danger », « Vulnérable » -, désignent les animaux les plus fragiles.
[7] Sources ZIMS. Tous mes remerciements vont à Florine Wedlarski !
[8] Safari Park Dvůr Králové en République tchèque, Flamingo Land au Royaume-Uni et Ree Park Safari au Danemark.
[9] Ces dernières sont compilées dans des manuels (Guidelines) par des cellules de spécialistes, les Taxons Advisory Groups.
[10] Centre interdisciplinaire de recherche sur la dynamique des populations (CPop), Université d’Oxford, Institut Max-Planck de démographie, Université du Danemark du Sud, Association du Zoo de San Diego, Species360 Conservation Science Alliance.
[11] Comprenant le Zoo de Paignton, le Living Coasts à Torquay et le Zoo de Newquay en Cornouailles.
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